graffiti et ex-votos: datation

[ben]

Bonjour,

Je voulais savoir comment on peut dater, si c'est possible, un graffiti? Est-ce qu'il existe des livres qui donne un classement de "style" de graffiti qui permettrait de dater? j'ai du mal à voir comment ça se fait la datation.

On m'a parler aussi des ex-voto: comment on peut les dater?

Merci d'avance.

benjamin

[cecilesalaun]

Bonjour,
votre question est intéressante...mais un peu vague! En ce qui concerne les ex-voto, ceux-ci existent depuis "la nuit des temps" sous des formes "diverses et variées". L'ex-voto marin en fait partie. Les premières traces matérielles qu'on en ait sont relatives aux ex-voto phéniciens. Puis les Egyptiens, les grecs, les Romains, les Scandinaves...en furent aussi les producteurs et utilisateurs. Les marins de la chrétienté ont repris ses formes de rites soit conjuratoires, soit gratulatoires, soit propitiatoires, soit surérogatoires (cf.classification de Michel Mollat du Jourdin) tout en les adaptant à la nouvelle Religion. A en croire les vestiges archéo. , il y aurait un hyatus pour la pèriode médiévale concernant les ex-voto marins. En réalité, des textes mentionnent des offrandes votives faites par des pêcheurs, des gens de mer...et même par Saint Louis et la Reine qui, confrontés à une tempête, promirent d'offrir à St Nicolas (sanctuaire d'Alsace! Ce saint est l'un des protecteurs des marins) une nef en argent représentant la famille royale implorant protection à son bord. En revanche, on commence à trouver des ex-voto marins aux XVIe siècle, que ce soit au Ponant ou au Levant, la tradition voulant que ce premier fut spécialisé dans la maquette de bateaux et le second, dans le tableau-peint. Mais le Sud de la France recèle aussi des maquettes et les sanctuaires des côtes Atlantiques ou Septentrionales, des tableaux. L'ex-voto ne se résume pas à ses formes là...On trouve des filets de pêche, des souliers, des ancres, des bonnets de matelots...tout un attirail marin! La datation des tableaux peints ne pose pas trop de problème car fréquemment, la date (au moins le millésime) y est figurée. La légende qui relate les conditions du drame dont on a réchappé se fait de plus en plus détaillée à partit du milieu du XVIIIe siècle, lorsque la "civilisation de l'écrit" commence à relayer celle du symbole et du dessin. Pour les maquettes, on a parfois une date avec le nom du bateau et du capitaine. En règle générale, on peut se fier à la typologie du/des bateau/x représenté/s pour fixer un critère de datation qui ne sera jamais très rigoureux en l'absence d'autres indications. Les costumes, les paysages maritimes (ports, fortifications...) contribuent en outre à préciser les époques et les lieux.
Les graffiti sont souvent considérés comme des ex-voto. Je travaille en ce moment à démontrer qu'ils ne le sont peut-être pas à "tous les coups", même s'ils se trouvent dans une église, une chapelle, une abbaye. Ils ne répondent pas tout-à-fait (outre l'aspect formel) aux critères des ex-voto qu'on trouve en général. Pour autant, cette qualification est parfois indéniable. L'un des intérêts des graffiti considérés comme tels est qu'ils seraient dès lors les seuls vestiges d"ex-voto" marins médiévaux qu'on aurait en France. La datation d'un graffito est particulièrement difficile à cause des nombreux enchevêtrements de traits qui viennent parfois déranger la lecture. Car là encore, seule la typologie des bateaux représentés peut aider à replacer le graffito dans un contexte chronologique particulier. Parfois, des dates, des patronymes figurent ou encore, des représentations d'armes, de personnages, d'objets, qui permettent de préciser la chronologie. il va sans dire que lorsque le graffito est figuré sur le mur d'un édifice, le terminus a quo peut être fixé par la date de construction à laquelle bien sûr, la réalisation graphique ne peut être antérieure. Des graffiti particuliers, s'apparentant aux pétroglyphes, peuvent figurer sur des roches en plein air. On pourrait peut-être dater ces graffiti-là par analyse de la patine...
J'espère avoir répondu à vos questions. Je peux vous fournir une bibliographie des ouvrages relatifs aux ex-voto (marins), ainsi que des articles portant sur les graffiti maritimes...Le sujet est très vaste aussi n'ai-je pu vous en donner qu'un tout petit aperçu!
Cordialement,
Cécile

[ben]

Merci beaucoup pour vos réponses.
Mais pourriez-vous me dire ce que sont que les formes de rites soit conjuratoires, soit gratulatoires, soit propitiatoires, soit surérogatoires?

Merci.

Cordialement,

Ben

[cecilesalaun]

Bonjour,
Alors, selon Michel Mollat du Jourdin, "la formule de l'ex voto gratulatoire correspond à l'accomplissement d'un don en échange d'une faveur sollicitée et obtenue. Une Disposition plus confiante conduit le demandeur à faire son offrande à l'avance : l'ex-voto est alors propitiatoire. Il arrive que l'ex-voto prenne un caractère commémoratif pour rappeler un événement, notamment lors d'un pélerinage. Enfin l'objet offert peut-être un don spontané et gratuit, de simple dévotion"(Extrait de:Ex-voto marins dans le monde : de l'Antiquité à nos jours.Catalogue d'expo.du Musée de la Marine, paris, 1981, page 24).Quant aux rites que j'ai qualifiés comme tels, ils s'apparentent à l'acte votif et à d'autres formes. Le rite "conjuratoire" pourra se manifester à travers la bénédiction du bateau et de la mer(qui se fait encore de nos jours, à Marseille par exemple). Un témoignage antique illustre bien les rites propitiatoires païens : des libations étaient faites sur le bateau en vue de se rendre favorables les divinités marines...Un procédé apotropaïque (pour parler plus simplement,propitiatoire) très ancien et repris par la Chrétienté consistait à peindre un "oeil" sur l'étrave du bateau afin de s'assurer une bonne navigation...Il pouvait symboliser l'oeil divin capable de prévenir les écueils et éviter ainsi les naufrages...Cette tradition se retrouve dans certains pays aujourd'hui encore (Portugal...). Les exemples sont à multiplier à l'infini presque et il serait très intéressant de les étudier de plus près. Je ne peux que vous recommander la lecture des petits catalogues d'expo. qui ont eu lieu sur le thème des ex-voto marins, et publiés par le Musée de la Marine(Paris) dont voici les références : "Ex-voto marins du Ponant, offerts à Dieu et à ses saints", 1975(?); "Ex-voto marins de Méditerranée", 1978-79 ; "Ex-voto marins dans le monde", 1981.C'est Michel Mollat qui fut à l'origine de ces manifestations, ayant lancé vers 1970 un cri d'alarme dans un article à propos de ces témoins de la vie et de la foi d'autrefois:"Va-t-on laisser disparaître les ex-voto marins?"...Enfin, une petite précision concernant les maquettes navales : l'équation maquette+église ne donne pas à tous les coups le résultat: "ex-voto" puisqu'il existe des maquettes décoratives ou coporatives (volonté des marins de placer leurs bateaux aux vu et su de toute la communauté maritime ou locale, etc).En espérant avoir répondu à vos questions,
Cordialement,
Cécile

[cecilesalaun]

oups, comprendre "corporatives" et non "coporatives"(les navigants appartenaient effectivement souvent à des confréries ou des corporations, et ce , dès le Moyen Âge)!!

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